Le curé Louis-Henri Paquet (1891-1955) fût curé de Saint-François de 1942 à 1955. Cette partie de notre site internet relate de nombreux souvenirs de l'abbé Jacques Simard, natif de Saint-François concernant le curé Paquet.
Notes personnelles de Jacques Simard ptre. Mars 2016
Le cardinal Villeneuve, archevêque de Québec ne tarda pas à nommer le nouveau curé de Saint-François. Il désigna le curé de Sainte-Justine, l’abbé Louis-Henri Paquet. Né à Saint-Joseph de Lévis en 1891 dans une famille de 9 enfants dont un frère, Arthur, Père Blanc et un autre, Antoine, clerc St-Viateur. L’abbé Paquet avait fait des études au collège de Lévis où, après son ordination en 1916, il retourna comme professeur. Peu intéressé par l’enseignement après 3 ans, on le nomma vicaire à Saint-Michel, puis à Sacré-Cœur et ensuite à Notre-Dame de Lévis sur une période de 6 ans. Mais comme on était encore au temps de l’émigration aux États-Unis vers la Nouvelle-Angleterre et que les évêques du lieu demandaient pour les paroisses du renfort francophone, l’abbé Paquet alla pendant 9 ans vicaire successivement à Manchester, Nashua et Berlin, New Hampshire. Revenu au Québec, il deviendra curé à Leeds, et de 1936 à 1942, il sera accrédité à la paroisse bilingue de Ste-Justine de Dorchester (Bellechasse).
À Saint-François, M. l’abbé Paquet occupa une place considérable. D’abord, il en imposait par sa stature : six pieds lui aussi, 260 livres au moins, gros fumeur de cigares de la Havane et une voix de stentor ! De quoi intimider et faire peur aux âmes sensibles. Et ça ne tarda pas ! Il fut sauvé cependant dans l’opinion par sa générosité de cœur. Il fallait l’avoir côtoyé de près pour découvrir combien il était attachant et qu’il y avait chez-lui un sens de l’humour authentique. Mais il fallait être attentif pour bien saisir dans la conversation ses réparties qui souvent déstabilisaient les auditeurs. C’est pourquoi, bien des jeunes filles le fuyaient de peur de se faire apostropher ! Les visites au couvent se faisaient sous haute surveillance. La Mère supérieure souhaitait que ce soit court au cas où un trait ou une flèche soit décochée. Et M. le Curé, loin d’être offusqué, riait dans sa barbe.
Nonobstant l’apparence, on apprit vite à reconnaître en lui, l’homme de prière. Et Dieu sait s’il a su développer dans la paroisse la nécessité de prier en communauté. D’abord en 1942, la guerre sévissait dans tous les coins de l’Europe; mais il fallait d’abord traiter les péchés du monde : le dévergondage, la danse, l’alcool, les vols nombreux dus à la crise, et la morale attaquée de toutes parts, disaient les prédicateurs. C’est pourquoi, le pasteur structura serrée la prière liturgique : les Vêpres revinrent en force les dimanches après-midi à 3 h. p.m., ensuite le Salut du Saint-Sacrement, puis le Rosaire à 7 h. du soir. La messe sur semaine se chantait à 7h. le matin, les communions particulières avaient lieu le dimanche avant la grand-messe, les communions générales, elles, une fois par mois et les concours de confessions qui préparaient les grands évènements. Ajoutez à tous ces exercices réguliers, les retraites annuelles par des « saints » Pères, comme il les appelait, le Congrès eucharistique où il a prêché une Heure d’adoration, les pèlerinages, la fête patronale, le catéchisme des enfants et que sais-je encore ? On était toujours au temps où la vie des paroisses rurales tournait autour de l’église paroissiale et où les cloches de l’église, non seulement annonçaient les liturgies, mais aussi tenaient lieu de la montre de poche Waltham car, l’Angélus divisait toujours en trois le temps pour les travailleurs des champs : 6 h. le matin, midi et 6 h. le soir.
Le nouveau curé ne tarda pas à visiter la paroisse, à en prendre le pouls pour connaître les besoins des familles, spécialement à la Morigeau ou aux Prairies. Il continua de dire la messe une fois le mois à l’école numéro 7, initiée par l’abbé Alfred Boulet en 1922. Il se rendit compte de la pauvreté et de la misère chez plusieurs familles. Aussitôt, il se prit d’une affection particulière pour les plus démunis et se mit à leur payer le pain nécessaire à leur survie. Pour cela, cependant, il y eut un prix à payer : l’assistance à la messe une fois le mois à l’école numéro 7. Son humour triompha quelques fois et voici comment. N’ayant pas vu un jour, à la messe, ses deux protégés qu’il avait aidés, il fit arrêter le taxi Lavoie, son conducteur ordinaire, devant la porte chez Bébé Proulx. Aussitôt entré, il dit : «À genoux !» et il commença le chapelet. Rien ne nous dit que la leçon fut efficace, il s’était fait craindre cependant et il continua ses charités. À côté des démunis, il y avait les malades; il en fit pratiquement une dévotion. Dès qu’il apprenait la maladie de quelque paroissien ou paroissienne, il convoquait son taxi Lavoie et allait donner sa bénédiction ou apportait le Viatique. L’hiver, les chemins non ouverts encore, c’était le snowmobile avec les risques possibles et ils n’étaient pas rares. De telles voitures manquaient de stabilité aux congères ou aux rencontres : parfois l’engin versait et M. le Curé se retrouvait embourbé avec le Bon Dieu dans sa sacoche. Pas de problème ! Jésus en avait vu d’autres : il avait marché sur l’eau, il pouvait bien apprendre à skier ! Son dévouement sur ce point ne s’est jamais démenti et sa réputation grandit tant et si bien qu’à la fin il était rendu avec les thaumaturges.
Même s’il était préoccupé de la vie spirituelle de la paroisse, il ne négligea en rien l’aspect matériel de l’église et du presbytère. Au contraire, il voyait à ce que tout soit en ordre : les fournaises, les bancs, les murs et les tapis; tout devait être correct. Pour arriver dans les finances, il stimulait la générosité par les remerciements et les félicitations. Dieu seul sait combien il en a donnés. En exemple : la quête du premier dimanche après son arrivée en 1942 avait rapporté 14.02 $ le 7 février et le 28 du même mois, elle était rendue à 28.41 $. En ces temps, quand il s’agissait de l’église, les habitants ont toujours été généreux. Mais, pour le presbytère, on hésitait car on ne voulait pas que le curé vive dans un plus grand confort que le leur. L’abbé Paquet sut s’accommoder. Mais les astuces sont des voisines de l’humour. Il eut recours aux deux moyens. Tous les travaux dans une Fabrique, en plus d’être acceptés par les marguillers du Banc, devaient l’être aussi par l’évêché. En 1954, alors qu’il était à son pupitre, un morceau de plâtre d’environ 24 pouces de circonférence tomba sur la chaise du visiteur, juste en face de lui. Heureusement, il n’y avait personne. Il en avertit le conseil de Fabrique et comme l’Évêque avait annoncé la visite pastorale, M. le Curé lui réserva le fauteuil accidenté pour qu’il soit bien saisi du problème. Les travaux furent exécutés en un temps record et il fit ajouter un solarium, histoire de bénéficier du soleil tout l’été dans un endroit tranquille pour la lecture du bréviaire, cette fois pour le salut des paroissiens et paroissiennes.
Les ressources de financement d’une paroisse provenaient souvent des prières et des félicitations répétées mais de plus, à cette époque difficile, de l’imagination du pasteur, le premier responsable. La fertilité des projets fut au rendez-vous. Il organisait des parties de cartes avec les Fermières, avec les anciennes du couvent et avec des Dames patronnesses du village. Il fit tirer en 1943 un cheval qui lui rapporta 292.50 $ pour les œuvres paroissiales toujours. Un vrai succès ! Et que dire des soirées mémorables récréatives avec la troupe montréalaise de M. Grimaldi ? L’acteur principal de toutes les pièces présentées, Maurice Beaupré, dès qu’il paraissait, faisait éclater de rire M. le curé. Ces soirées rapportaient un certain pécule mais ce qui valait encore plus, c’était l’atmosphère que ça créait pour un certain temps puisque M. le curé n’était pas seul à se ragaillardir. De telles rencontres avec le théâtre comique se donnaient dans le presbytère de 1763 devenu après la construction du presbytère de 1887, par M. Oliva, une salle paroissiale, puis un entrepôt de la Cie Garant pour se terminer en logements patrimoniaux appelés pavillon Pierre-Laurent-Bédard. M. Paquet eût pu l’appeler la Maison du défoulement …
Les pasteurs de l’époque du Comité de l’Instruction publique avaient un rôle important à jouer dans les écoles primaires de leur paroisse. C’était un visiteur officiel comme M. l’Inspecteur. L’abbé Paquet avait insisté auprès des institutrices qu’elles portent un costume reconnu décent ; que la classe soit toujours gardée propre; que les enfants aussi soient habillés avec modestie. «Un devoir de chrétien», disait-il. Non seulement il insistait sur les matières de classe, mais sur les qualités d’une bonne éducation … peu importe s’il débordait sur les prérogatives du Monsieur du gouvernement. Il fallait ne pas oublier que c’est Dieu qui mène le monde ! «Les rois sont mortels», avait dit Bossuet. Ce curé, s’il demandait beaucoup, remerciait aussi beaucoup et souvent; il avait approfondi la reconnaissance. Le dimanche au prône, c’était «merci» pour la quête d’il y a sept jours, puis en leur temps, d’autres «mercis» fusaient : pour la dîme, pour les soirées de rire, pour les quêtes de feu dans la paroisse, pour les assistances aux vêpres, aux processions, pour le ménage du printemps, l’église et autour des maisons, sans oublier bien sûr, les récoltes, les Rogations etc. Mais le meilleur qui en faisait sourire d’aucun; il remerciait les gens qui étaient venus aux concours des confessions sans oublier ceux et celles qui avaient fait leurs Pâques avant la Quasimodo. Cependant, il n’avait pas le goût de féliciter, après la conscription de 1944, les jeunes qui avaient fui l’armée et qui, vivant cachés dans les camps de bûcherons aux Prairies, pour se faire des sous de survivance et passer le temps, faisaient de la bagosse. Il fustigeait ce liquide qui «tue l’âme et aussi le corps».
Et vient le moment de la chapelle. M. le curé avait continué la tradition de l’abbé Alfred Boulet en 1922, d’aller dans des écoles éloignées, à la Morigeau et aux Prairies dire une messe deux fois le mois. Et alors, voyant des jeunes de la paroisse, conscrits pour aller à la guerre en Europe, il exprima, dans un prône élaboré un dimanche de 1945, le désir de bâtir une chapelle aux Prairies; pour ces gens-là qui sont séparés, il faudrait leur ériger un lieu où le Bon Dieu résidera», avait-il ajouté. Sur ce, il invitait les paroissiens à couper du bois, dès cette année, au cas où tous les jeunes dans l’armée reviendraient sains et saufs. Tous revinrent tel que souhaité. M. le curé qui en avait fait un vœu en public, devait donc s’exécuter. Il ne tarda pas; il était vraiment un homme d’action.
Au printemps 1946, le bois était au rendez-vous. La Vierge Marie, avertie : «elle ferait de grandes choses» selon lui. Le terrain, donné par M. Léon Simard, était mesuré «au pas» selon l’usage antique et solennel, l’entrepreneur était choisi et fin prêt : M. Anatole Roy. Il manquait, les journaliers et les clous. «Ce sera une succursale de l’église paroissiale», aimait-il à ajouter. Bientôt, les dons commencèrent à se faire nombreux : les Sœurs du couvent donnèrent la lingerie d’autel, l’autel donné par l’organisation du Congrès eucharistique de Montmagny qui venait d’avoir lieu et auquel l’abbé Paquet avait participé, puis un calice, de l’argent, une chapelle en gâteau, un chemin de la croix et une statue de la Vierge Marie, don d’une paroissienne qui avait fait du porte à porte pour en défrayer les coûts. Le 8 décembre 1946, la chapelle s’ouvrait au culte avec la première messe célébrée par le curé Paquet, conduit par M. Marcel Garant. Il manquait une cloche! Elle ne fera son apparition qu’un an après, mais ce sera solennel; le curé-chanoine A. Lessard de Montmagny viendra la bénir, alors que le sermon de circonstance sera donné par M. l’abbé Bélanger de Berthier. Cette année-là les offrandes continueront d’arriver, mais c’est M. le curé lui-même qui y mettra le point final.
Commencèrent alors les pèlerinages : Les sœurs de la CND, la Ligue du Sacré-Cœur, les personnes retraitées, puis le cardinal Roy le 23 octobre 1949. C’est à cette occasion que la chapelle sera bénite, à la grande satisfaction du pasteur. En plus de sa dévotion à la Vierge Marie, M. l’abbé Paquet honorait de façon spéciale la Fête-Dieu : il en faisait une célébration extraordinaire. Toujours deux reposoirs étaient nécessaires. Il misait beaucoup sur la façade du couvent avec son escalier central à deux embranchements donnant sur les étages. En plein milieu trônait le Reposoir. On y arrivait en procession bien ordonnée pour la discipline et surtout pour la prière. Ouvraient la marche la Croix et les acolytes, suivaient les enfants des écoles et leurs maîtresses, puis les filles du couvent et les sœurs, les autres jeunes filles et les dames. Les jeunes gens, eux, devaient précéder le dais porté par quatre marguillers gantés pour protéger le Saint Sacrement du soleil ou de la pluie; marchaient derrière, les enfants de chœur, la chorale, puis les hommes mariés pour clore la procession. L’ostensoir était porté par M. Le vicaire dominical alors que le pasteur animait la cérémonie en marchant le long du parcours. Le second reposoir changeait chaque année selon qu’on allait à l’est ou à l’ouest du Couvent. C’était toujours M. le curé qui en faisait l’animation. Après la Fête-Dieu, il avait la dévotion aux évêques du diocèse et il aimait bien les recevoir lors de la confirmation des jeunes et de la visite pastorale. Les cardinaux Villeneuve et Roy ont été choyés. On allait d’abord les chercher en parade aux confins de la paroisse et les y reconduire. Au presbytère, il y avait des soins particuliers surtout du côté culinaire. La ménagère, digne émule de Marie Calumet, exhibait au réfectoire ce qu’il y avait de plus beau en vaisselle et en argenterie. Quant aux mets servis, c’était selon la diète ou les goûts plus ou moins raffinés des épiscopes. D’ordinaire, on y faisait de la haute cuisine d’autant plus que la cuisinière du presbytère avait fait un séjour prolongé au Bois de Coulonge pour servir le Lieutenant-Gouverneur de la Province. Au cours des cérémonies liturgiques, au prône, l’abbé Paquet, après avoir remercié Mgr l’Archevêque de sa présence et pour l’avoir nommé curé de Sr-François, ne tarissait pas d’éloges sur ses ouailles «pour leur générosité» et la belle renommée de paix, de travail et de piété qu’elles avaient acquises depuis son arrivée en 1942. Il vantait les religieuses et la Congrégation N.D. pour leur compétence et leur dévouement dans l’éducation des filles, dont plusieurs venaient de l’extérieur.
Enfin, à part ces gratitudes de toutes sortes, il faisait prier pour lui afin « qu’il devienne meilleur, plus saint. Ce sera pour votre profit » avait-il demandé lors d’un prône du dimanche. Probablement que les prières des paroissiens avaient de l’efficacité puisqu’il montra régulièrement de l’empathie envers les enfants de la paroisse qui arrivaient au sacerdoce. Il ne manquait pas d’occasion pour le manifester. En 1948, il souligna en grande pompe le 50e anniversaire de sacerdoce de Mgr Auguste Boulet avec le Cardinal Villeneuve comme premier invité. Il organisa des célébrations spéciales pour les Pères Dumas, Buteau, Campagna, Forgues et Morin, à l’occasion de différents passages dans la paroisse. Il avait le cœur aux fêtes de toutes sortes. Bref, il était pour sa paroisse, l’homme des actions de grâces. Comme souligné plus haut, le dernier prêtre ordonné à St-François, avait été Mgr Boulet en 1898, sous la cure de M. Oliva. Il en profita donc pour obtenir de Mgr Desrochers, premier évêque du diocèse de Ste-Anne, de me faire ordonner au sacerdoce ici en 1953. Il laissa aller son imagination pour le décorum. Il fit ériger deux arches de sapin dont une aux Quatre-Chemins et l’autre à l’entrée, Place de l’église, sous lesquelles devait passer le cortège de l’évêque. Partout, le long du parcours flottaient des petits drapeaux du Vatican, du Canada, de la Vierge Marie. À l’église, devant les fenêtres on voyait des plantes vertes alors que le maître-autel regorgeait de glaïeuls aux couleurs variées. Descendaient d’un puits central de la voûte du chœur d’immenses banderoles blanches, jaunes et rouges, pour remonter après leur déploiement, et se fixer à mi-chemin au-dessus des colonnes du retable. C’était au matin du 21 juin et il faisait un temps radieux sous un soleil brûlant. Mgr Desrochers, arrivé tôt, appréhendait cette chaleur accablante. Et il fut bien servi au cours de la cérémonie qui avait débuté à 10 h. dans une église bondée de paroissiens. Tout se déroula sans anicroche; l’évêque avait l’air brûlé, le curé, lui, rayonnait de satisfaction. Il avait voulu capter l’attention sur la prêtrise et il avait réussi. Restait la cérémonie de la Première Messe. Elle eut lieu le lendemain en la fête de saint Paulin. Au rendez-vous, une autre bonne journée de chaleur à 92¢F. M. l’abbé Paquet, toujours alerte, accompagna le nouveau prêtre et fit l’homélie de circonstance. Il présida ensuite un banquet à la salle paroissiale attenante au presbytère. Les invités y allèrent à leur corps défendant ! D’abord à cause de la chaleur suffocante, ensuite à cause des mouches ! De guerre lasse, on dut ouvrir les fenêtres à carreaux pour faire circuler un peu d’air dans la pièce. Des nuées de mouches domestiques, impatientes de participer à la joie du néophyte, envahirent l’espace, jetant le trouble parmi les 200 convives ! Il y avait suffisamment de restes sur la table pour les sustenter, mais les plus raffinées s’abattirent sur le gâteau à trois étages en plein centre de la table d’honneur. De blanc et rose sur les bords qu’était la sacrée pâtisserie, elle devint en un rien de temps comme tricotée gris plomb. C’était le désastre. Toutefois, la cuisinière, en bonne experte, avait un plan B. Tout rentra dans l’ordre, mais la chaleur torride persista encore quelques jours. Aujourd’hui, en 2016, on parle encore de l’été 1953 ! L’enthousiasme de la fête ne se termina cependant que le 23, par une messe à la chapelle des Prairies pour rendre hommage à la Vierge Marie. Les 144 places assises de la chapelle avaient trouvé preneur. M. le curé Paquet, satisfait des trois jours de célébration, ne cessait de dire que c’était grâce à la Sainte Vierge qu’il y avait à St-François un prêtre de plus et surtout que ses racines étaient aux Prairies ! Avait-il pensé à Nazareth et à la fameuse phrase du prophète : « Que peut-il sortir de bon de Nazareth ? » On ne le saura jamais.
M. le curé Paquet a vraiment transformé la vie paroissiale lors de son passage quant à la vie spirituelle des paroissiens, mais aussi quant à la générosité qu’il a suscitée dans le milieu. Son sens de la vie liturgique, son amour des pèlerinages, sa dévotion à la Vierge Marie, son intérêt pour les missions - il avait un frère Père Blanc- son détachement des biens matériels ont fait de lui un pasteur exemplaire. En 1950, il avait organisé pour l’Oeuvre des berceaux, soutenue par les sœurs du Bon-Pasteur de Québec, une importante quête de patates; en 1957, il avait grandement encouragé les Oblats de Marie-Immaculée, à faire une rafle précieuse chez les vieux « ménageux » pour un lieu de retraite fermée, la Maison de la paix à La Pocatière; en 1954, la visite paroissiale de la statue de « N.D. de Fatima, pour l’Année Sainte avait connu un très grand succès; les quêtes du dimanche avaient plus que triplé depuis son arrivée, de sorte que sur le palmarès des quêtes des Fabriques du diocèse depuis 1951, St-François se classait première. Alors, quand en 1954, Mgr Bruno Desrochers composa le chapitre diocésain, il ne pouvait ignorer d’y faire entrer comme chanoine honoraire, le curé de St-François-de-Sales. Effectivement, il y fut nommé en décembre à l’occasion des vœux de l’évêque : la cérémonie liturgique aurait lieu en février 1955 et serait présidée par le Délégué apostolique Mgr Pagani. Tout curé, créé chanoine, y voyait à l ‘époque, la consécration de son passage en paroisse, parfois sur la terre entière ! M. Paquet, lui, l’avait vraiment mérité. Cependant, il en paierait le prix ! D’abord, en habillement, soutane, camail, surplis, bague-améthyste, cadeau à l’évêque pour ses œuvres. Tout avait été rodé à la perfection, ne manquait plus que la cérémonie à la cathédrale. Elle vint le 2 février 1955. La journée avait pourtant bien commencé dans le froid mais sans plus ! Le nouveau chanoine arrive à La Pocatière en après-midi par le train du C.N. et de la gare au collège de Ste-Anne avec valise, en taxi Lavoie. Après un frugal repas, au moment de se rendre à l’église, une fine neige poussée par un vent plutôt léger, commençait à tomber délicatement, mais rien pour paniquer. La messe et la cérémonie de remise des insignes aux nouveaux chanoines – ils étaient 22 – fut à la hauteur des attentes d’un diocèse créé après un douloureux accouchement. Les différents survenus, selon une légende urbaine, entre l’Archevêque de Québec et celui de Rimouski au sujet du territoire à céder, la mort tragique du premier évêque du diocèse de Ste-Anne, Mgr Bureau, dans l’accident d’avion du Mont Obiou en 1950, le rappel des critiques survenues lors de l’achat des deux fermes Gagné pour loger le futur évêché, la quête imposée aux prêtres par le vicaire général Mgr A. Fortin, tous ces évènements avaient, chez certaines assistants, engendré de nombreuses distractions pendant la messe pontificale. Et au sortir, la catastrophe ! Un blizzard mémorable s’abattait sur toute la région pendant qu’au chaud, on célébrait. Tous les chanoines furent virés ! Personne ne put regagner sa résidence, y compris le chanoine Paquet qui dut passer cette première nuit de son canonicat dans mon réduit de maître de salle du collège de Ste-Anne : lit de fer à dimension réduite pour ses 230 livres, pupitre de séminariste, chaise droite, mais heureusement, une belle petite fenêtre ! L’histoire régionale a retenu cette date du 2 février 1955. On ne dit plus « le jour de la marmotte » mais « le jour de la tempête des chanoines ». Au prône du 27 février, notre bien aimé curé remerciait son évêque de l’avoir nommé à son Chapitre : c’était un honneur pour lui et la paroisse de St-François, et alors il lui envoyait la collecte du dimanche précédent pour ses œuvres ainsi qu’un cadeau personnel.
La joie ressentie d’avoir été créé chanoine honoraire du diocèse de Ste-Anne fut hélas pour notre pasteur de courte durée, puisqu’à la fin de cet été 1955, il se rendait à l’Hôtel-Dieu de Lévis pour examens : il avait des maux d’estomac. On lui suggéra de retourner le 4 septembre suivant pour une attention suivie de son cas. Il ne revint jamais au presbytère ! Comme je résidais à Montmagny, étant professeur à l’Externat classique, il me fit demander le lendemain 5 septembre. Comme j’étais sans moyen de transport, il chargea M. Ernest Lavoie, paroissien, de me conduire à son chevet tous les deux soirs et me confia la garde de la paroisse le temps de son hospitalisation. Il voulait un suivi sur sa paroisse. Ce que je fis avec beaucoup d’appréhension. Ayant appris qu’il souffrait d’un cancer du foie et que ses poumons étaient aussi attaqués, il devenait assez évident qu’il ne s’en sortirait que par miracle. Et le miracle n’eut pas lieu ! Ce qu’il a pleuré ! Il aimait la vie : « il lui restait, avait-il dit, encore beaucoup à faire à St-François ». Pourtant il était familier avec la mort : il en avait tellement parlé aux malades qu’il allait visiter et à qui il avait apporté le viatique. Et pourtant ! Un père Jésuite, ami de longue date, lui donna l’Extrême onction. Près de son lit, la veille de sa mort, il me dit : « Va dans mon portefeuille là-bas, prends 40,00 $ et va payer Jos Paré pour du pain à Bébé Proulx et à Grand-Jos Robin ». Ce jour-là, le 27 septembre, il s’en allait en paix avec un excès de charité. Cette mort plongea la paroisse dans une profonde tristesse : M. le curé n’avait que 64 ans et on venait tout juste de fêter son canonicat.
Les funérailles furent fixées au 3 octobre. La veille, j’arrivai de Montmagny vers 16h30, après les classes à l’Externat classique, et quelle ne fut pas ma surprise de trouver sur la galerie du presbytère, Mlle la ménagère, entourée de quelques parents et amis, ainsi qu’un violoniste tapant du pied au son de sa musique, devant un haut-parleur suspendu à la galerie! et les sons envahissaient le rocher patrimonial ! Je ne sais pas encore quoi penser !
La cérémonie funèbre, présidée par Mgr Bruno Desrochers, eut lieu tel que prévu, dans une église remplie à capacité et dans une atmosphère de recueillement profond comme l’eut exigé le défunt. Au retour du cimetière paroissial où j’avais fait les prières d’usage, je retrouvai au bureau de la Fabrique, en plus de Mgr l’Évêque, les abbés Bélanger de Berthier, Paquet de St-Pierre, Théophile Nadeau de Lévis et quelques autres prêtres. Tous sortirent sur la galerie, il faisait un soleil radieux, et là devant un parterre de fleurs amochées par le gel, l’Évêque de Ste-Anne fit des nominations qui ont surpris l’entourage ! M. l’abbé Louis de Gonzague Paquet, curé de St-Pierre, serait le nouveau curé de St-François et l’abbé Nadeau, le seconderait les fins de semaine. Devant l’église quelques paroissiens, dont les marguillers du banc, attendaient le départ de l’Évêque. Aussitôt alarmés par la nouvelle nomination, d’aucuns furent perplexes! La semaine suivante, se doutant de rien, le nouveau pasteur vint avec deux de ses sœurs vivant avec lui, rencontrer les marguillers et visiter les lieux. Les futurs locataires trouvèrent l’espace dans la cuisine un peu trop exigu et proposèrent de l’agrandir en grugeant le rocher, puisque le mur de la dépense frôlait en effet le roc. La suggestion reçut un froid accueil. D’abord dans l’été précédent on avait fait des travaux dans le bureau et aménagé un solarium. Et maintenant agrandir du côté ouest en puisant dans la pierre ! La nuit suivante porta conseil : quelques membres du conseil de Fabrique, sous la présidence de M. Ernest Fiset, se rendirent à La Pocatière, rencontrer l’Évêque du lieu. La visite eut son effet : M. Louis de Gonzague démissionna de la cure et pour un temps indéterminé, l’abbé François Gagnon du collège de Ste-Anne, serait l’administrateur de la Fabrique et pasteur temporaire. Ne voulant pas rester au presbytère sans ménagère, Mlle ayant quitté, M. l’abbé fit sa résidence à l’hôtel Paul Boulet au centre du village. Il eut l’air de se plaire dans son rôle d’administrateur puisqu’au bout de six mois, il aurait dit être intéressé à devenir curé de la paroisse. Beaucoup de paroissiens, échaudés secrètement selon tout probabilité, ne le pensaient pas ainsi. On lui reprochait sa sévérité au confessionnal ! C‘est alors qu’après six mois, l’interrègne de M. l’abbé Gagnon prit fin au printemps 1956. Il réintégra son logement au collège de Ste-Anne, en attendant un nouveau poste. Fut aussitôt nommé curé, M. l’abbé Louis Pelletier, vicaire à Rivière-Ouelle.
Jacques Simard ptre. 2016
Louis-Henri Paquet (1891-1955) par Jacques Simard ptre.
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